Note d’intention
Cette série est issue de vacances estivales à Montpellier, période appropriée pour profiter d’un temps de pause long. Les congés n’empêchant pas forcément l’ennui, la photographie est venue combler un certain manque. Entre la porte d’entrée du studio et la mer, une bonne dizaine de kilomètres amène des paysages multiples et hétéroclites : béton, routes, ponts, rivière, travaux, arbres, usines, manèges, flamants roses, thermomètre, plage… L’idée première était de s’amuser avec une focale fixe, en noir et blanc, dans l’exploration d’un certain surréalisme.
Mais le résultat final parait plus contrasté et sombre qu’une simple échappée aoûtienne. Les noirs et les blancs sont intenses. Le ciel bleu est sépulcral. Les pylônes se cofondent avec des crucifix. La brume trouble la vision. Les amoureux sont surexposés. Les visages sont cachés.
Même en plein été, l’esprit reposé et plus léger, la contradiction pointe son nez. Vivre seul ou à deux ? Rejeter les autres ou partager une destinée ? Profiter ou procrastiner ? Appréhender le soleil ou se faire griller ?
Là encore, No Selfix s’est laissé emporter par la raison autant que par l’émotion, renvoyant chacun à son propre questionnement existentiel et aux percées de lumière. A vous de décider quelle pourrait en être la portée…
Exposé au 1er Contre Salon des Vieilles et des Vieux
J’ai croisé Antonella en plein cœur du village d’Estremoz, au Portugal, au moment où elle arrosait ses plantes. Je descendais les rues après le premier verre du soir, détendu et gai. Sachant que je restais sur le vif pour prendre quelques clichés pour le Contre Salon des Vieilles et des Vieux, j’ai été emporté dans une évasion temporaire avec elle...
On ne peut pas dire que l’on ait discuté puisque je ne connais pas le portugais et qu’Antonella ne s’arrêtait pas de parler dans sa langue, bien sûr. Mais nous avions l’air contents, elle et moi, de nous être croisés un instant. Une des rares choses que j’ai comprise d’Antonella est qu’elle a 92 ans et que le paradis allait bientôt l’attendre. Mais quel sourire ! quelle joie ! quelle robustesse ! C’est cette impression de femme déterminée et sincère que m’a laissée Antonella.
Un peu léger pour une « série » de photos me direz-vous... J’en conviens. Mais Antonella est restée dans mon souvenir et j’ai fini par revenir sur ces images. Le renouvellement de la sensation éprouvée sur le moment m’a convaincu de la partager avec vous.
Et c’est aussi parce que je suis membre du Conseil National autoproclamé de la Vieillesse que j’ai vu Antonella et que je me suis arrêté auprès d’elle, peut-être un peu pour elle, et beaucoup pour moi « futur-plus-vieux » !
DEDOUBLE
Quand le corps se fissure
Quand le regard se désaxe
Quand l’âme se désabuse
Quand le cri se fait entendre.
Car les générations murmurent
Car l’époque nous emporte
Car rien n’est jamais sûr
Car la réplique est un double je.
Aveuglé par les pensées
L’accident frappe l’exacte exactitude
Confié aux lois aléatoires
Laisser l’infini se fendre.
Alors cool-é
En dessous de la nuit
Le jour pose ses lumières
Sur un coin de la terre.
Persévérer
Douter
Vieillir
Profiter.
Les « Nourritures terrestres » rappellent d’abord l’invitation d’André Gide écrivant : « Je vous ai vus, grands champs baignés de la blancheur de l’aube ; lacs bleus, je me suis baigné dans vos flots – et que chaque caresse de l’air riant m’ait fait sourire, voilà ce que je ne me lasserai pas de te redire, Nathanaël. Je t’enseignerai la ferveur ».C’est cette ferveur que j’ai trouvée ce matin, mardi 15 aout 2023, dans le jardin de Cathy*... Des tomates « Miel du Mexique » ou « Bumble bee » ou « Arkansas Marvel », ou encore « Orange Queen », des christophines, des aubergines clara, du basilic grand vert… C’est cette « nature morte » que j’ai premièrement prise en photo au sein d’un milieu savamment forgé depuis de longues années, pour rendre la terre cultivable d’abord, puis pour l’enrichir sans cesse au quotidien avec compost, ensemencements, hydratation raisonnée par les oyas… La permaculture est à ce prix, des levers matinaux et d’une dévotion sans faille !
Malheureusement, la Terre est aujourd’hui intrinsèquement malade**. Malgré les meilleures volontés du monde, ni le grenadier, ni le pêcher de vigne ne tiennent l’été desséché. Alors, il faut s’adapter, revenir à l’ancestrale « Arroche » aveyronnaise ou partir loin avec des agrumes ou même un « lin de Nouvelle Zélande ». C’est cela que j’ai aussi voulu photographier.
Mais jusqu’à quand l’inventivité permettra de continuer à s’alimenter de notre terre ? L’eau manque. Ni l’économiser, ni partager les ressources naturelles ne semblent plus suffire. La guerre de demain est celle de l’eau. Je n’ai pas pu pour autant résister à l’enchantement de cette nature domptée et suis resté sur un cliché optimiste.
* Photos prises au jardin de Cathy Babau avec son aimable participation, le 15 aout 2023, à La grenouillère - 34600 Le Pradal
** Lecture de cet été : « Santé et environnement Vers une nouvelle approche globale » - direction Nicolas Senn, Marie Gaille et Maria Del Rio Carral - Editions Rms Medecine Et Hygiene le 14 novembre 2022.
CLAUDE
L’histoire est celle de la nuit et de ses oiseaux.
Le travail réunit des photos prises lors de balades nocturnes, celles où les couleurs et l’ambiance se confondent.
Quelques-unes, surtout une, renvoient vers Claude. Alors il fallait montrer son histoire, la finir ou la commencer vraiment.
Claude s’amuse, s’épanouit dans un univers festif, son univers, la nuit.
Il n’est pas si facile pour Claude de vivre le jour, de répondre aux codes d’une société inadaptée à ses attentes, à ses amours.
Claude espère toujours rencontrer le prince, charmant ou pas.
La nuit euphorique peut cependant être source de déception.
La nuit peut être dangereuse.
La nuit peut le renvoyer à son identité, à ce qu’il en reste, à ce genre d’être.
Claude peut souffrir.
Claude peut se découvrir.
Les néons l’accompagnent.
Bientôt la lumière.
DEMAIN
Arrive le moment où ce qui nous entoure et ce que l’on fait ne fonctionne pas, plus.
Vient une perte de sens pour soi et dans sa relation aux autres.
Comme dans un monde au bout de ses ressources, physiques, mentales, psychiques.
Ici, Paul, comme le nomme Nathan Clamence, peut en passer par la consommation, comme nous tous, de toute sorte. Ce plastique qui envahit. Cette bouffe qui tue. Ce sexe qui rend fou.
L’espoir qui ronge.
Une autre voie, la voix de l’autre.
Continuer à explorer, à creuser, à s’évader.
Quitte à tout recommencer ?
Quitte à tout oublier...
LIRE ENTRE LES LIGNES
De toi ou de moi, peu importe, le portrait vient de soi.
Le match est serré entre le noir et le blanc.
Entre l’illuminé et les anciens yéyés.
Que tu en sois au début ou à la fin,
à la recherche de la fortune ou à griller ta retraite,
mère indigne ou femme de passage,
homme à chapeau ou à photo,
chacun suivra sa ligne.
Loin des rayures, celui qui a tout compris.
SONGEUSE
Au croisement d’un regard, commence l’histoire.
Elle devient paysage qui devient image.
Au sein d’une nature encore vigoureuse,
émergent les flashs des chimères à venir.
La tôle raisonne avec les couleurs de la nuit.
Les voies mènent à des impasses.
Les chemins laissent sans voix.
Les créatures prennent leur place.
Réveil au milieu du foin.
A-t-elle rêvé ?
SELF CONTROL
La succession de clichés, au propre comme au figuré, répond au besoin de contrôle.
L’été parfait. Le ressourcement tant espéré.
Puis le coup de vent,
la barre est franchie : sexe, drogue et rock’n roll.
Jusqu’au lendemain, jusqu’à ce qui nous dépasse nous renforce.
L’équilibre dans l’usure comme dans la démesure.
THE OTHER SIDE
Partir encore sur cette île adorée alors que je crains l’ennui qui m’y attend.
Je les connais ces plages, ces routes, cet hôtel, ces nuits, ces hommes.
Quel défi d’y retourner sans se lasser… seul le boitier peut me sauver.
Le reflet, au croisement des chemins, a tout déclenché... ne pas se tromper.
Le ton est donné, il faut chercher plus loin que ce que l’on peut voir.
La plage, les amis, la nature, la nuit, la liberté.
La solitude, l’ivresse, le désenchantement, l’ironie, la contrainte.
Le sexe et l’amour aussi.
La magie a encore opéré, au-delà des apparences,
de l‘autre côté du miroir.
UNSENSÉMENT
Il a fallu d’abord, se laisser porter… Ce qui amena à ces bancs, un peu déglingués. Puis à ce « labyrinthe », on ne peut plus utilitaire et pourtant énigmatique. La recherche de sens s’est faite d’autant plus impérieuse ! Mais comment le trouver ? Par le travail, dans ces bâtiments aux toits triangulaires enfermés par des barres d’acier mais troués par un panneau lumineux de blanc ? Par la famille, via ce magnifique petit Adam passionné de football ? Par la spiritualité, en se recueillant sereinement à la lumière de bougies ? Ou encore par la chair, crûment, organiquement ? Finalement c’est l’étrangeté qui a pris le dessus. Ou la poésie peut-être... l’explication venant simplement de l’âme ? Comme s’il suffisait de se connaitre (pas trop) et d’assumer d’être soi-même ? Passer par des sensations fortes pour ne pas trop se dévoiler ? Même s’il y a beaucoup de rectangles, ça s’arrondit non ? A vous de voir et de trouver la bonne voie !
La série « faire le plein » a pour objet de confronter cette forme de « légèreté », à un sujet plus sombre. Le nom de la série est un jeu de mot avec le plein d’essence et un clin d’œil aux contradictions ainsi mises en œuvre : acheter alors que rien pour dépenser, consommer alors que les lieux sont vides la nuit et intercalés avec des photos de jour encore plus froides. Il s’agissait aussi de faire le plein d’inspiration et d’images…